Le jour où j'ai cessé de faire sa lessive

Il y a plusieurs étapes à travers lesquelles j’ai repris les rênes de ma vie. Une vie en pilote automatique où je laissais un pouvoir extérieur me gouverner, sans en avoir vraiment conscience.

Pour faire court (et arriver au cœur du sujet) cela faisait un an que mon ex mari et moi vivions sous le même toit comme chien et chat. Chacun sa chambre ; chacun sa casserole d’eau pour le thé ; un salon où je ne mettais plus les pieds … Une année explosive en violences psychologiques (forcément, une femme qui reprend du pouvoir sur sa vie, ça ne plait jamais à un narcissique. Bref).

J’avais navigué toute une année (épuisante) sans être capable de décider de divorcer. Raison classique : les enfants. Je voulais qu’ils ne soient pas impactés dans leur quotidien et qu’ils puissent avoir libre-accès à leurs deux parents. Que j’étais naïve ! Mais l’avantage d’aller au bout des choses, c’est de décider sans regrets quand le moment crucial se présente sur un plateau d’argent …

L'émancipation se cache dans la lessive

Ce moment est donc arrivé. Et sans préavis ! Un lundi matin de mai 2014, avant que le réveil sonne, me voilà réveillée par monsieur, qui entre sans frapper et à toute volée dans ma chambre tout en me hurlant dessus que son linge n’est pas prêt, que LUI il travaille, que je ne suis qu’une feignasse, une pauvre fille, que je ne fous rien, que je ne ramène pas d’argent, qu’il fait tout … À cet instant, je ne sais pas si je fais un cauchemar. Je sens mon coeur battre à tout rompre, à la limite de la crise cardiaque.

Ah oui. Le sac de linge fait la veille est à côté de moi. Et la « pauvre fille » n’a pas pris le temps de tout plier et ranger. Il y a de vraies raisons à cela. Mais j’ai appris durant ces derniers mois qu’il était vain de me placer dans la position de celle qui argumente, qui cherche la reconnaissance, qui se justifie. À cet instant je suis très consciente que quoi que je n’ai pas fait, PERSONNE n’a le droit de me parler sur ce ton.

Il est déjà reparti en claquant la porte. Il est déjà sous sa douche. Et tout en regardant le plafond je me demande si je ne vais pas lui apporter le sac de linge en le lui déposant sous le jet d’eau de sa douche, en feintant que « le voilà ton linge, maintenant il est propre ». L’espace d’un quart de seconde, je pense que ça serait drôle. Mais je sais qu’il ne comprendrait pas cet humour, et je sais aussi que si j’osais ce geste, je m’exposerais à la violence physique.

Alors doucement je me lève. Je prends le sac. Je le lui mets à côté de la douche. Je parle fort. Je claque la porte de la salle de bain (il n’y a pas de raison. Moi aussi je sais claquer les portes). Je reviens dans ma chambre. Je referme le verrou cette fois. Je m’allonge sur le dos comme j’étais avant. Je regarde le plafond et là je me dis : voilà, on y est ! Je vais divorcer. (Une heure après, j’appelais là juriste de l’association CIDFF*)

Pour la première fois depuis longtemps je posais une décision pour moi. Je savais que je devais sauver ma peau comme lorsque l’avion est en dépressurisation il faut mettre le masque sur soi avant de penser à sauver quiconque. Il n’était plus question d’autre chose. Ni de tergiverser. Ce jour-là a été le dernier jour où j’ai porté SON linge. Plus JAMAIS je n’ai fait sa lessive.

Son linge s’est accumulé jusqu’à former un très gros tas. Quand je passais devant je tenais bon. Chaque fois je me choisissais. Un jour quand même il m’a dit : « et tu comptes faire la lessive quand ? ». Je crois que j’ai répondu *jamais*. Je crois aussi qu’il ne m’a pas crue. Mais quelques jours plus tard, quand je lui ai dit je venais de voir mon avocate et que je demandais le divorce, que le courrier allait arriver sur son mail … c’est devenu plus concret.

L'enjeu du linge sale dans un couple ...

Ce jour où j’ai cessé de faire SA lessive, c’est le jour où j’ai brisé les chaînes de schémas insidieux. Celui de materner un homme qui ne voulait pas cesser de jouer au petit garçon victime. Celui aussi de la « bonne fille » sous la tutelle de son « papa ».

On s’était bien trouvés pour endosser le jeu societal du mariage, pour jouer au papa et à la maman dans la cour des grands (vs la cour de maternelle), et surtout d’un système qui emprisonne les individus sous la belle étiquette de la « famille ».

Ça semble peu de chose, cette histoire de lessive. Et j’imagine que sous ce post, quelques femmes viendront me dire qu’elles gèrent la lessive de leur mari et que tout va bien dans le meilleur des mondes. Mais j’ai goûté à autre chose. Et je vois la différence.

Cesser de s’occuper du linge « de l’autre » dépasse les revendications féministes (d’être une femme libre), ça dépasse la notion de couple (pour exister dans un duo hors le champ sociétal, culturel et historique), ça dépasse toute raison mentale (« c’est plus économique de faire la lessive de mon mari » ou « comme je fais la mienne je peux bien ajouter la sienne ») … Et ça fait partie d’une réflexion globale et holistique - qui fera l’objet d’autres posts of course.

Non, l’amour n’implique pas ni ne justifie de faire la lessive de l’être aimé. Non, l’amour n’est pas materner l’autre. Non, l’amour n’est pas TOUT mettre en commun. Et cerise sur le pompon, « cesser de faire la lessive » c’est aussi s’affranchir de l’idée inconsciente (pour l’une) qu’il faut souffrir pour être aimée ou qu’il faut démontrer sa valeur (bonne épouse, bonne mère …) ; que c’est normal d’être encore dans les jupes de sa mère *de substitution* (pour l’autre). Sortir de cette ambiance sacrificielle (mutuelle) restitue des points pour tout le monde, dans la jauge d’énergie ! et replace chacun dans une autre vibration.

À votre épanouissement,

et à votre liberté !

* CIDFF - Centres d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles. Des antennes existent partout en France.

Sophie Lavois

Autrice, consultante, et animatrice.

Experte en émancipation et empowerment.

Accompagnement des femmes.

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