Sortir de la Domination / soumission Bdsm

Cet article m’a été inspiré suite à la question de Jade : « Bonjour Sophie, Je suis tombée sur votre profil et l’ai trouvé très intéressant, tout comme ce que vous partagez. Si vous me le permettez, j’aimerais vous poser une question un peu personnelle. En tant qu’ancienne soumise, qu’est-ce qui vous a amenée à ne plus du tout apprécier cette dynamique ? L’avez-vous réellement appréciée à un moment ? Je m’excuse si ma question est intrusive, ce n’est pas mon intention. Je suis actuellement dans une relation soumise/dominant et je serais curieuse d’avoir votre retour d’expérience. Merci d’avance pour votre réponse, si vous acceptez d’y répondre. »

Bonjour Jade, Merci de votre question. Je vais tenter de formuler une réponse courte. Car en réalité, il faudrait un livre pour poser le contexte et les méandres de toute l’histoire, pour en cerner complètement les subtilités. Celles du monde Bdsm (dans le sens où il y a ce qui est dit en société, ce qui est glamourisé versus le réel, les ressorts relationnels, ce qui est aussi voilé) et à la fois celles qui concernent l’emprise, la manipulation, les enjeux inconscients, la prédation, la perversion etc. Je l’écrirai peut-être un jour. Vu ce qui est banalisé aujourd’hui, il y beaucoup à dire…



Bien évidemment j’ai apprécié cette dynamique puisque j’en ai même fait un livre, entre autobiographie et fiction, que je lui ai dédié après avoir aussi participé à un concours littéraire. Je voyais dans cette sexualité une forme d’excellence. C’est d’ailleurs cette quête d’absolu qui m’a tenue longtemps dans cette histoire. Mais après maintes chutes, j’ai appris que la seule personne à qui il faut « tout donner » c’est soi.

DES PAILLETTES DU BDSM À LA RÉALITÉ

Tout maître fait apprécier la relation au début. Il emporte la soumise dans des plaisirs charnels très intenses, multiples, qui donnent la sensation de faire exploser un plafond de verre, d’aller au-delà du 7ème ciel. Mais plus que des paradis de volupté, ce sont juste des tensions créées de toute pièce qui sont ensuite libérées de l’écluse qui les contenait. (*) Et après l’avoir fait monter très haut, au prétexte de « forger son éducation », tel un chat jouant avec sa souris, mieux, tel un aigle avec sa proie, le dominant la fera tomber bien bas, la mettra dans un manque et une désorientation telles qu’elle sera prête à tout pour retrouver cette (soit-disant) excellence du début. Or c’est précisément LÀ qu’une relation d’emprise s’installe insidieusement.

(*) Rien à voir avec deux énergies qui s’arrosent mutuellement, se décuplent et montent spirituellement. Là, l’énergie de la femme soumise est seulement au service du dominant, laquelle s’épuise, in fine, sans comprendre pourquoi. Pour cela, quand une telle relation prend fin, il est important de couper TOUS les liens énergétiques, pour ne plus être effractée, même à distance.

Et puis, c’est davantage qu’une « dynamique ». De l’extérieur, ça peut sembler un jeu érotique momentané qui va driver les deux protagonistes dans le couple ; un jeu de sensualité, comme un peu l’effet sauvage du lion qui veut soumettre sa lionne avec maîtrise. Bref, la domination dans son côté sauvage, animal. Mais d’autres ressorts plus pervers entrent en jeu. C’est bien plus qu’un érotisme pimenté. C’est ouvrir la boîte de Pandore des parts sombres en soi. C’est plonger dans un « autre monde » où ça devient du 7/7 24h/24, même dans une relation à distance.

Le problème est de croire uniquement à la face publique du Bdsm qui parle de consentement, d’un partage « joyeux », épanouissant, etc. sans voir la face intime plus glauque, car il y a toujours un moment où le jeu déborde, tombe dans le pathos. Comme je le soulignais dans mon dernier réel Instagram : est-on en état de consentir quand on est giflée en plein orgasme ? Est-on en état de consentir quand notre corps est utilisé en plein subspace ? Est-on en état de consentir quand, bâillonnée, en plein ébats, il change d’orifice sans préavis ? (Bonjour la cystite !)



Et globalement, beaucoup de soumises sont sous emprise, du fait même des ressorts relationnels sur lesquels repose la relation de Domination/soumission. Beaucoup de maîtres sont en réalité misogynes (ils cachent bien leur vrai visage au début) et destructeurs (certains parlent même de « briser » leur soumise, cela m’a toujours choquée). Leur rêve à peine caché étant de créer pour eux une femme 2.0, une pute gratuite, une esclave pour leurs désirs de viols et de violences pour lesquels le cadre Bdsm leur donne une couverture socialement brillante !

Parallèlement à cela : jusqu’où une soumise est-elle prête à accepter de se dépasser pour le plaisir du dominant ? jusqu’où est-elle prête à se laisser emmener ? (sans même réaliser que c’est contre son gré). Car vu les états émotionnels dans lesquels elles sont mises, comment même peut-elle réfléchir en conscience ? Combien de fois m’a-t-il dit « arrête de réfléchir » ? [maintenant je comprends pourquoi ! c’était une manière d’avoir un chèque en blanc !] Quand j’y pense j’en ai la nausée !

Alors, ce qui m’a amenée à ne plus apprécier cette configuration, c’est beaucoup de choses au fil du temps. C’est tout un processus qui s’est fait par étapes. Car on ne se réveille jamais totalement en une fois. Il y a eu plein de gouttes qui ont rempli le vase. Mais je vais surtout parler de celle qui l’a fait déborder. ⛲🚰💧 « Aimons la goutte d'eau qui fait déborder le vase car c'est grâce à elle que commence le changement. »

En juillet 2023, nous nous sommes revus quelques jours. La dernière fois était en 2018, et rien que cela c’était un gros red flag. J’ai d’ailleurs failli annuler. Mais quelque chose me poussait à voir quand même ce qui pouvait ressortir de ces retrouvailles. Une part de moi espérait revivre l’ambiance des débuts, tandis qu’une autre savait aller dans le mur. J’avais passé ce temps à travailler sur moi et, même sans en avoir conscience sur le moment, mon énergie avait changé. Mais comme j’étais formatée par sa conception de la relation « à distance » et qu’il m’avait fait croire que je n’étais pas à son niveau d’excellence des plaisirs (eh oui, une soumise n’est jamais au niveau du maître, ah ah) ni prête à le revoir (sic), autant dire que là, j’avais assez mijoté.

On se revoit donc. Je passe sur les détails que je raconterai ultérieurement. Puis lorsqu’il repart, je me sens vidée et effondrée sans trop réaliser pourquoi. Nous échangeons sur notre messagerie. Plus précisément moi j’écris des kilomètres et lui se contente de réagir avec des emojis, ou m’envoie des banalités venant des réseaux sociaux. Il y a comme un brouillard : on ne debrief pas comme d’habitude.

ENFIN SORTIR DU LABYRINTHE

Et l’acmé de l’histoire est là, lorsque je lui envoie un gif animé de félins qui se toilettent en lui disant « c’est nous », et qu’il met un cœur ; lorsque je lui envoie (comme parfois) un gif animé érotique d’un cunnilingus et qu’il met un cœur. L’horreur me saute aux yeux. Je ne sais pas pourquoi plus à cet instant qu’à un autre. Mais c’est ainsi. Je me demande pourquoi il fait mine d’aimer puisque tout cela est à l’opposé de ses actes ; puisqu’il a passé la semaine de vacances à me demander des fellations sans même avoir une seule attention en retour à mon égard ! L’une avait même duré une heure. UNE HEURE !!! (Puis-je demander à être dans le livre Guinness des records ?) 🏆😓

Alors c’était ça, la *récompense* après CINQ ANS sans sexualité physique ? Que tout n’aille que dans un sens ? Que lui seul soit honoré toute la semaine ? Qu’il ait une putain à son service, ainsi qu’une masseuse, cuisinière, chauffeur, guide touristique… ? Et soudain je réalisais que non seulement pendant ces vacances avec lui je n’avais reçu aucun cunni, mais même toutes ces années je n’en avais reçu AUCUN ! Cette réalité m’a saisie d’effroi !!! Depuis combien d’années il n’y avait plus de love, plus de baisers sur ma bouche pour lesquels il me tenait en haleine de PEUT-ÊTRE en avoir de nouveau un jour. Un jour… qui n’est jamais arrivé !



J’ai commencé à me questionner. J’ai déroulé la pelote entièrement. J’ai revu tout le film. C’est là que j’ai commencé à me réveiller d’une dissociation mentale (fruit d’une violence dont le cerveau s’est « arrangé » de faire avec pour sa survie. Et bien souvent c’est un mécanisme qui a déjà eu lieu avant la relation Bdsm). Et surtout, surtout … j’ai compris les viols. Les viols vécus à la dernière rencontre, mais aussi tous ceux avant. Et là tout m’a dégoûté d’un coup. Le voile est tombé ! Je ne voyais plus les choses à travers mes projections ou ses petits arrangements avec la réalité. Je les voyais comme elles étaient : dégueulasses !

Et qu’on ne me dise pas que je suis tombée sur la mauvaise personne, le mauvais « maître », comme d’autres disent « not all men ». Parce que mon histoire n’est pas un cas isolé. Et je vois maintenant tous les ressorts (cachés ou déniés) du Bdsm, mais aussi ceux de la sexualité humaine en général (j’ai quelques autres expériences de vie à partager, qui vont dans un sens similaire). D’ailleurs, de nombreuses voix féminines osent dire que la barre est au sol, et leur choix de renoncer à la sexualité aujourd’hui. Mais c’est un autre sujet.

Avant qu’il vienne, je lui avais demandé de me considérer comme une vierge et d’être doux. Il avait acquiescé. Mais sur place, il n’en a rien fait du tout. Il a été l’homme-princesse dans toute sa splendeur. (Vraiment c’est peu de le dire, car aux débuts de l’histoire il avait des attentions, et même le talent de les érotiser. Là ? Rien !). Il a consommé mon corps juste pour son plaisir sans se soucier jamais du miens, l’a utilisé comme celui d’une esclave sexuelle d’un autre temps, ou d’une pute, puisque mes refus n’ont jamais été entendus. Il a été violent à de nombreux égards. (Même un an après c’est trop difficile de préciser des faits. J’espère le faire dans quelque temps).

Alors que j’attendais des délices subtiles, tantriques, il était comme absent de lui-même, abîmé, énergétiquement sombre et vide. En clair, à force de fumer, de boire, de regarder du porno (*), il s’est cru dans un film. Oubliant d’être le guide qui conduit la danse, oubliant de se connecter à sa partenaire, oubliant peut-être le masque qui cachait en définitive sa vraie personnalité.

(*) Ce combo « cigarette alcool et porno » pendant les ébats crée une ambiance qui peut être excitante une fois, mais quand c’est répétitif, cela démontre les addictions de la personne. Et se remettre en ses mains n’est pas une bonne idée. Des dérapages sont à prévoir.

Voir toute cette réalité m’a horrifiée, m’a vidée de tout désir charnel. Voilà comment dix ans de relation (avec des moments compliqués) ont finalement pris fin. J’ai le sentiment d’avoir réussi à refermer la boite de Pandore et d’en sortir alchimisée.

La société nous vend le sexe comme le plaisir ultime, comme un droit. Alors que la plénitude et la complétude sont des satisfactions bien plus grandes. Mais peut-être faut-il explorer ses parts d’ombre pour commencer à le concevoir.

Avec coeur,
Sophie Lavois

Sophie Lavois

Autrice, consultante, et animatrice.

Experte en émancipation et empowerment.

Accompagnement des femmes.

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